Au cours de vos pérégrinations, vous avez probablement déjà vu une sorte de transport de troupes larguer une flopée de mongols sur la voie publique – Martin bavant et hurlant, Pierrot dégustant des boulettes de merdes comme des bonbons et Sophie convulsant d’avant en arrière en fixant le ciel à la manière d’une Vierge Marie avec reconnaissance MDPH…
Rappelez-vous, vous avez surement remarqué un individu un peu moins taré que la moyenne (un peu plus vieux aussi) cherchant désespérément à rétablir le calme. Chers lecteurs, cet individu était un éducateur spécialisé.
Pour les plus réticents à l’idée, oui, il s’agit bien d’un type qui a décidé de passer sa vie à côtoyer des handicapés (aussi logique qu’un junkie qui déciderait subitement de bosser dans un commissariat).
Penchons-nous sur le nom :
– Educateur : comme un tuteur pour humains, l’éducateur spé a la prétention d’écrire « vie » sur le front de ses gogols golems chéris, ayant pour ambition de transformer le tryso humide ou le teigneux orphelin en clone d’Einstein.
– Spécialisé : en rien. On retrouve juste cette espèce d’humanoïde un peu partout – à l’instar des verrues, dans chaque endroit dégueulasse se trouve un éducateur spé.
Vous l’aurez compris, ces individus sectaires dont la psyché reste encore un mystère peuvent poser question aux individus sains d’esprit.
L’éducateur spé se complait dans la souffrance à tel point qu’ils élaborent entre eux une « échelle de la dégueulasserie » destinée à établir une hiérarchie nette ; plus l’institution où il bosse est craignos, plus ils sont respectés. Comprenez donc qu’un ITEP de banlieue rempli de jeunes polyhandicapés multirécidivistes (avec meurtre à l’arme blanche dans l’historique de la boîte) constitue à leur yeux une sorte d’hôtel de luxe où ils pourront « s’épanouir », « s’enrichir », « au contact de l’Autre (au contact de ses poings surtout) ». En revanche, ceux qui travaillent dans des crèches ou des jardins d’enfants pour handicapés (aucun risque de violence ou de confrontation) seront considéré par leurs pairs comme des misérables déserteurs fuyant le front.
L’ensemble de cette étrange espèce côtoie au quotidien une batterie de spécialistes masos – aide soignantes, psychologues, éducateur sportifs, assistantes sociales – dans le but mystique de comprendre pourquoi Jordan mâche des feutres rouges depuis ses 5 ans et comment trouver un stage de peintre en bâtiment malgré sa « particularité »…
La seule et unique boisson bue par les éducateurs spé est le café – élevé au titre de breuvage divin. La machine à café étant une sorte d’idole vénérée toute les trois heures au cours d’un rituel (se plaindre entre eux en touillant leur hydromel d’encre, une clope au bec).
Un éducateur arrivé à maturité pisse noir.
Souvenez-vous-en !
Les éducateurs spé sont très sociaux (lol) et aiment communiquer leurs anecdotes : « Julie ne digère pas le lait, elle m’a vomi à la gueule mardi », « Alphonse m’a raconté la manière dont son père l’a abusé pendant six heures, je suis rentré vers minuit en larmes », « Louis a dit que j’avais une tête de pute », « Carmen s’est levé cette nuit pour aller chier sur mon bureau, j’ai passé trois heures à nettoyer », « Philippe m’a dit qu’il allait me planter demain… je stresse un peu… » et autres joyeusetés. Ces bijoux auditifs collectors étant mis en commun le plus souvent possible auprès de leur idole-café ou en salle de réunion dite « salle des lamentations ». Problème de thune, futur assaut contre le Conseil Général, emmerdes personnelles, tout y est raconté – en mode café philo.
Malgré de fait que tous suivent la religion de l’Empathie fanatique, certaines différences peuvent émerger du modèle standard :
– Le rebeu dynamique : 7 jours sur 7 en survêtement, corps bodybuildé, mains larges autant pour attraper que pour éventrer, le rebeu dynamique se retrouve très souvent en présence de jeunes délinquants (ou en passe de l’être). Le quotidien violent, le rap résonnant en permanence dans de vétustes corridors, et les pétages de plombs journaliers auront convaincu le rebeu dynamique d’aller « poser son cadre » parmi ces charmants sociopathes. Plante carnivore de la faune urbaine, le rebeu dynamique aime sentir l’odeur de la testostérone et de la sueur piquante les petits matins.
Points forts : Inépuisable, autoritaire, insensible, « grand frère ».
Points faibles : Peu à l’écoute (préfère cogner), s’use plus vite que la moyenne et devient vite obsolète. Inutile en cas de problèmes plus délicats ne nécessitant pas la violence.
Public idéal : protection de l’enfance/ados/racailles en phase d’humanisation
– Le babos fumeur de joints : Punchingball humain, corps aussi consistant qu’une biscotte sèche, l’éduc spé babos se traîne à son taf avec un grand sourire foncedé. Véritable clé humaine de la boite de Pandore, il servira à éponger la frustration du public qu’il est chargé de s’occuper – tasses dans la gueule, chaises etc… excédés par cette loque aussi incapable de se faire respecter qu’un cul de jatte d’imiter Michael Jackson. Peu rancunier, le babos oubliera vite ses coquards à la fin de son service après le bon gros tarpé du soir.
Points forts : calme, à l’écoute (pas tout le temps), sympathique
Points faibles : efficacité à peine plus élevée qu’une serpillère, peu attentif à ses ouailles en sortie
Public idéal : aucun (est nuisible aux enfants et se désagrège vite ailleurs).
– La jeune paumée : Entrée récemment dans la secte, la jeune paumée ne mesure pas plus d’1 mètre 20 et peut se faire délicieusement piétiner par ses usagers en crise. Munie d’une surdose de « valeurs humaines », elle aime « l’Autre » autant que DSK aime les putes. Y compris si l’autre en question s’essuie les pieds sur sa gueule. Sa petite voix fluette exigeant le calme ne changera rien aux situations de crise et elle servira bien souvent d’objet contondants dans une baston.
Points forts : Compréhensive, rassurante comme un doudou, peut servir de chiffon ou de vortex de lancer.
Points faibles : Durée d’utilisation limitée (s’use vite), peu efficace face aux pétages de plombs.
Public idéal : enfants handicapés/personnes âgées
– Les vieux engagés : Véritables dinosaures du métier, ils sont généralement respectables puisqu’ayant survécu au-delà de 40 ans (ce qui constitue une putain de prouesse ma gueule !).
D’extrême gauche pour la plupart d’entre eux, ils ont l’amour du tractage et de la manif inutile ancré en eux parmi leurs multiples cicatrices de guerre : « Souviens-toi Jimmy, en ’84 lorsque Dylan m’avait crevé un œil pour exprimer son mécontentement… j’avais fait une putain de note d’incident ! Il a fait du chemin ce gamin depuis… il fréquente les hautes sphères maintenant… il bosse à la plonge chez Michou… putain, rien que d’y repenser j’en ai la larme à l’œil (gauche)… ».
Points forts : expérimentés, à l’écoute, rusés comme des renards
Points faibles : Usés par des années de mauvais traitement, has been concernant les nouvelles technologies
Public idéal : Tous mais en particulier les vieux (pour préparer leur avenir)
L’éducateur spé passe ses journées à faire du surf sur les émotions humaines, évite les grosses larmes de fond et fait son petit freestyle sur la bonne humeur (oui ça arrive des fois) de ses usagers…
Grace à eux, le commun des mortels peut survivre sans finir déchiqueté par des hordes d’handicapés assoiffés de sang ou de jeunes ados en fugue, prêts à tout pour le pouvoir ; se livrant chaque matin en holocauste sur l’Autel du social.
Nombreuses sont les tentations qui jalonnent le chemin tortueux d’un éducateur spé qui voudrait gravir des échelons de sa secte : dépression, suicide, reconversion, massacre de masse, schizophrénie (docteur Moi et mister Fonction)… si bien que leur taux de mortalité avoisine celle des GI’s au Vietnam dans les sixties.